Déporté à Buchenwald, Jorge Semprun est libéré par les troupes de Patton, le 11 avril 1945. L'étudiant du lycée Henri lV, le lauréat du concours général de philosophie, le jeune poète qui connaît déjà tous les intellectuels parisiens découvre à Buchenwald ce qui n'est pas donné à ceux qui n'ont pas connu les camps : vivre sa mort. Un temps, il va croire qu'on peu exorciser la mort par l'écriture. Mais écrire renvoie à la mort. Pour s'arracher à ce cercle vicieux, il sera aidé par une femme, bien sûr, et peut-être par un objet très prosaïque : le parapluie de Bakounine, conservé à Locarno. Dans ce tourbillon de la mémoire, mille scènes, mille histoires rendent ce livre sur la mort extrêmement vivant. Semprun aurait pu se contenter d'écrire des souvenirs, ou un document. Mais il a composé une oeuvre d'art, où l'on n'oublie jamais que Weimar, la petite ville de Goethe, n'est qu'à quelques pas de Buchenwald.
Jorge Semprun a survécu aux camps de concentration et c'est cela qu'il essaie de nous raconter dans ce récit. Oui, il a survécut. Mais comment ? Voilà la question. Est-ce survivre que d'être sans cesse attiré par le thème de la mort, que d'être seul ou encore que de survivre grâce à la philosophie et l'écriture ?
Ce sont tous ces thèmes que l'on retrouve dans le récit. On pourrait croire qu'il ne s'agit que d'un récit de plus relatant les horreurs de la seconde guerre. Pourtant, l'auteur parle relativement peu de l'horreur des camps. Non, ce qu'il raconte, c'est l'après. Quand on pense à la guerre, on pense aux millions de morts, aux victimes des camps. On a tendance à oublier que les survivants sont d'autres victimes. Comment reconstruire sa vie après un tel choc ?
C'est cela que Jorge Semprun tente de nous communiquer.
Il est assez difficile de dire si ce livre est un récit de vie ou une oeuvre littéraire. A travers le récit de sa vie, l'auteur nous dit bien plus. Il se place comme témoin des camps mais aussi comme amateur de philosophie. Un moyen pour lui de raconter ses souffrances sans oublier ce qui lui correspond en dehors de La tragédie.
J'ai particulièrement aimé ce récit qui, pour une fois, nous présente un auteur ayant vécu l'enfer mais qui n'en parle pas trop, juste ce qu'il faut. J'ai apprécié ce récit car pour une fois, nous assistons à la reconstruction d'une victime à travers la littérature et non pas seulement à travers le récit de son expérience.
Je classe ce récit dans les Classiques car justement, ce livre est plus une oeuvre littéraire qu'un récit de vie. C'est en tout cas ce que semble vouloir faire passer l'auteur.